Venus-Origins

L’étude des premières peintures et sculptures produites par l’humain nous ramène à la Source. Au plus nous regardons en amont, au plus nous nous rapprochons des expressions primitives originelles. Un de ces chefs-d’oeuvres m’a particulièrement inspiré: j’ai “rencontré” la Dame de Lespugue il y a quelques années dans une exposition, et le temps s’est figé pour un instant, suspendu. L’immensité de ce temps qui nous sépare semblait relative, mais le vertige m’a impacté. Si discrète et humble de par sa taille, sa présence détient un magnétisme et un pouvoir qui m’ont amené à l’étudier, guidé par son essence. Quelques études formelles de sa tête et de son buste m’ont permis de comprendre ses volumes et ses proportions. Je compris comment elle a pu inspirer le génie de Giacometti et Picasso, et son rôle dans la naissance du cubisme et de l’art moderne. Je tentais une série de sculptures basée sur ses rythmes et proportions: mon intention étant de l’interpréter dans une voie personnelle, au travers de laquelle ses attributs devenaient abstraits, tout en essayant de conserver sa présence. Ce qui me sidère est son intemporalité, au vu de son âge, quelques 25 000 ans. C’est pour moi un rappel à notre culture, toujours assez ancrée dans l’idée que nous serions supérieurs à ces cultures et civilisations passées. Il y a beaucoup à en apprendre. Leur désir de créer ces oeuvres nous captive car il nous ramène à un Maintenant essentiel, bien loin des extraordinaires complexités et confusions de notre monde contemporain. Ici, pas d’avidité, de spéculation ou de plan de carrière, mais l’Essence: Origine aussi comme mère, qui nous introduit au monde. Amante, qui par l’amour nous permet de s’unir et préserver la tribu. Sage et gardienne du savoir, comme guide et maître, tenante de la mémoire des ancêtres à travers les générations. Il est important de le rappeler: ces figures de Mère/ Amante/ Sage ( aussi appelées Vénus) ont été réalisées sur une période de 20 000 ans ou plus, presqu’exclusivement: les représentations masculines sont pratiquement inexistantes. Aujourd’hui, alors que nos propres cultures et religions dominées par l’homme perdent finalement du terrain, de récentes découvertes nous révèlent le rôle essentiel des femmes dans les cultures paléolithiques. Les femmes chassaient, peignaient dans les grottes et étaient puissantes au sein de leur tribus. Rien ne prouve le contraire. L’archéologie et l’étude de la préhistoire sont des sciences assez récentes: elles se sont développées en Europe au 19 ème siècle, où la domination masculine n’était pas remise en question. Ce n’est donc pas une surprise si les cultures préhistoriques, surtout le paléolithique, ont étés décrites comme…dominées par l’homme. En assistant aujourd’hui encore aux horreurs de la guerre et à l’incessant pillage de la terre par de nombreuses multinationales, il est urgent qu’un changement de fond s’opère. Pendant bien trop long longtemps, l’homme a prouvé son incapacité à reconnaitre que le vrai pouvoir ne se situe pas dans l’accumulation de richesses et de territoires, mais dans la protection et le respect des écosystèmes: Source. Pour guérir les innombrables blessures de la terre, nous devons considérer: il n’y a pas de planète B, et si un nouveau cycle de protection de l’environnement est en cours, nous pouvons finalement nous unir, quel que soit notre origine et notre genre. Le moment est venu.